Pendant la Grande Guerre, la Suisse est politiquement et militairement neutre, personne ne le conteste, mais cela signifie-t-il que le simple citoyen n'a pas le droit de donner son appréciation morale sur le comportement de l'un ou l'autre des belligérants ?

La question est fort débattue. Les réponses divergentes qui lui sont apportées engendrent bientôt un méchant climat de suspicion qui coupe le pays en deux. La discussion s'emballe vite, chaque camp soupçonnant l'autre de sympathies coupables et donc de manquements aux devoirs d'une «vraie» neutralité. Elle connaît des moments de fièvre et des moments de relative accalmie, l'affaire des colonels du début 1916 marquant certainement l'acmé de cette crise connue sous le nom de «fossé moral».